Le processus de vieillissement
Les personnes âgées forment un groupe très hétérogène dans lequel chaque individu possède un processus de vieillissement spécifique. Rowe et Kahn (1998) distinguent trois types de vieillissement :
- Le vieillissement pathologique associé à des maladies physiques et psychiatriques (dépression, démence, troubles moteurs, sensoriels, cardiaques…)
- Le vieillissement usuel ou habituel associé à des atteintes physiologiques, liées à l’âge, de certaines fonctions.
- Le vieillissement réussi associé à haut niveau de fonction, avec un maintien des capacités fonctionnelles et une absence de pathologies.
Actuellement, il apparaît que le concept de vieillissement réussi ne peut être défini en se limitant seulement aux aspects fonctionnels (Le Deun & Gentric, 2007). Le vieillissement réussi se rapproche ainsi de la définition de la santé de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (1946) « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Le maintien des capacités fonctionnelles ne se conçoit alors que comme une condition pour parvenir aux autres dimensions de la qualité de vie (Le Deun & Gentric, 2007).
La définition d’un vieillissement réussi est donc complexe et varie selon les valeurs culturelles (Frazier & Glascock, 2001). Cela explique l’absence de consensus sur ce concept à l’heure actuelle (Gangbè & Ducharm, 2006).
Souffrir de démence
Définition des démences
Selon le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-IV-TR) (APA, 2003), « la caractéristique essentielle de la démence est l’apparition de déficits cognitifs multiples qui comportent une altération de la mémoire et au moins l’une des perturbations cognitives suivantes : aphasie, apraxie, agnosie ou perturbation des fonctions exécutives. Les déficits cognitifs doivent être suffisamment sévères pour entraîner une altération significative du fonctionnement professionnel ou social et doivent représenter un déclin par rapport au niveau du fonctionnement antérieur. »
Deux grandes catégories de démences peuvent ainsi être définies sur le plan étiologique : les démences impliquant une dégénérescence des neurones (Maladie d’Alzheimer, démences fronto-temporales, démences à corps de Lewy…), et les démences non dégénératives (Démences vasculaires, Maladie de Creutzfeld-Jakob…) (Auriacombe & Orgogozo, 2004). Comme le suggère l’étude PAQUID qui a suivi 3777 personnes âgés de 65 ans et plus, la maladie d’Alzheimer (MA) est la cause de démence la plus fréquente puisqu’elle représente 80% des cas de démence (Ramaroson, Helmer, Barberger-Gateau, Letenneur, & Dartigues, 2003).
Les troubles cognitifs
La perte progressive des neurones entraîne le plus souvent des troubles de la mémoire au début de la maladie, cela représente ainsi le motif principal de consultation. L’atteinte cognitive concerne en premier lieu la mémoire à court-terme et la mémoire épisodique (ou autobiographique) avec un oubli des faits récents puis progressivement des faits plus anciens. Ainsi, l’évocation des souvenirs personnels s’appauvrit, et devient remplacée par la répétition des mêmes histoires. Les souvenirs les plus anciens et les plus chargés émotionnellement sont les plus résistants. La mémoire sémantique, celle qui stock les connaissances générales sur le monde est également atteinte et se mesure facilement sur le plan clinique par des questions de cultures générales basiques (ex : demander de citer le nom du président de la république…).
Parmi les troubles du langage (aphasie), le plus précoce est la difficulté à trouver ses mots. A un stage plus avancé, on observera des difficultés à pouvoir s’exprimer et à comprendre le langage oral. Ces difficultés peuvent amener la personne à s’isoler pour masquer ses difficultés ou pour éviter de se confronter à des échecs.
La désorientation spatio-temporelle et les troubles des fonctions exécutives (capacité à planifier, organiser, et enchaîner des tâches) peuvent également apparaître au début de la maladie.
Les troubles de la gestualité (apraxie) apparaissent plus tardivement et peuvent se manifester dans les activités quotidiennes comme l’habillement ou les soins personnels. Des troubles de la reconnaissance perceptuelle (agnosie) ne permettent plus au sujet de reconnaître des objets, ce qui peut rendre difficile la réalisation de tâches quotidiennes.
La MA entraîne ainsi une perte d’autonomie qui nécessitent la présence d’aidants à domicile (familiaux ou professionnels) pour aider à réaliser les tâches essentielles de la vie courante.
Les symptômes psychiatriques associés au démence
Les symptômes psychologiques et comportementaux liés aux démences (SPCD) représentent des manifestations majeures et fréquentes. Une récente étude a été réalisé par l’European Alzheimer’s Disease Consortium (EADC) (Aalten et al., 2007) sur un nombre importants de patients souffrants de démence. Les résultats montrent que sur deux ans, 95% des personnes démentes suivies souffrent de SPCD, dont un tiers de manière sévère.
Cette étude a également permis un regroupement en quatre syndromes des SPCD avec une cohérence d’un point de vue clinique tout en suscitant un intérêt pour une approche étiologique :
- Syndrome d’hyperactivité : agitation, désinhibition, irritabilité, comportements moteurs aberrants et euphorie
- Syndrome psychotique : délire, hallucination et troubles du sommeil
- Syndrome affectif : dépression et anxiété
- Syndrome apathique : apathie et troubles de l’appétit.
L’apathie et les affects dépressifs sont les troubles les plus précoces et les plus fréquents, ils sont présents chez 50% des patients déments (Benoit et al., 2005).
Les SPCD ont un retentissement négatif important puisqu’ils contribuent fortement à la perte d’autonomie du patient et ils occasionnent une souffrance et un stress significatif pour eux-mêmes et leurs aidants (Benoit et al., 2003). Ils augmentent ainsi le risque de dépression de l’aidant (Benoit et al., 2005) et accélère l’entrée en institution du patient (Lyketsos et al., 2000). Le risque de maltraitance est plus élevé chez les personnes souffrant de démence en raison de leur fragilité psychique et physique, et les SPCD peuvent amplifier ce risque (Bonte, 2010). Enfin, ces troubles présentent une forte variabilité inter-individuelle (Benoit et al., 2003) et leur prévalence augmente avec la progression de la maladie (Jost et Grossberg, 1996).
Si ce sujet vous intéresse, je vous invite à lire les articles suivants :
Bibliographie sur le vieillissement et la démence
American Psychiatric Association. (2003). DSM-IV-TR : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (4e éd. rév.; traduit par J.-D. Guelfi, & M.-A. Crocq). Paris, France : Masson.
Aalten, P., Verhey, F. R., Boziki, M., Bullock, R., Byrne, E. J., Camus, V., … & Robert, P. H. (2007). Neuropsychiatric syndromes in dementia. Dementia and Geriatric Cognitive Disorders, 24(6), 457-463.
Auriacombe, S., & Orgogozo, J. M. (2004). Syndrome démentiel. EMC-Neurologie, 1(1), 55-64.
Benoit, M., Brocker, P., Clement, J. P., Cnockaert, X., Hinault, P., Nourashemi, F., … & Verny, M. (2005). Les symptômes psychologiques et comportementaux de la démence: description et prise en charge. Revue Neurologique, 161(3), 357-366.
Bonte, F. (2010). Maltraitances et démences: pertinences de prises en charge en hôpital de jour psychogériatrique. NPG Neurologie-Psychiatrie-Gériatrie,10(57), 125-130.
Frazier, C. L., & Glascock, A. P. (2001). Aging and old age in cross-cultural perspective. Cross-cultural topics in psychology, 115-128.
Gangbè, M., & Ducharme, F. (2006). Le «bien vieillir»: concepts et modèles.M/S: médecine sciences, 22(3), 297-300.
Jost, B. C., & Grossberg, G. T. (1996). The evolution of psychiatric symptoms in Alzheimer’s disease: a natural history study. Journal of the American Geriatrics Society, 44(9), 1078-1081.
Le Deun, P., & Gentric, A. (2007). Vieillissement réussi. Médecine thérapeutique, 13(1), 3-16.
Lyketsos, C. G., Steinberg, M., Tschanz, J. T., Norton, M. C., Steffens, D. C., & Breitner, J. C. (2000). Mental and behavioral disturbances in dementia: findings from the Cache County Study on Memory in Aging. American Journal of Psychiatry, 157(5), 708-714.
OMS. (19-22 juin 1946). Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, tel qu’adopté par la Conférence internationale sur la Santé. New York.
Ramaroson, H., Helmer, C., Barberger-Gateau, P., Letenneur, L., & Dartigues, J. F. (2003). Prévalence de la démence et de la maladie d’Alzheimer chez les personnes de 75 ans et plus: données réactualisées de la cohorte PAQUID.Revue neurologique, 159(4), 405-411.
Rowe, J. W., & Kahn, R. L. (1997). Successful aging. The gerontologist, 37(4), 433-440.